En ce 1er novembre, jour où les vivants honorent les morts, beaucoup de parents accusent encore la douleur due à la séparation d’avec l’Être cher, comme si l’on rouvrait une plaie qui tarde à se cicatriser. Et si cette attitude attristait davantage l’âme de nos chers disparus dont seul le corps est mort » ? Puissions-nous méditer ce texte souvent attribué à tort à Charles Péguy, comme un message d'outre-tombe. ''La mort n'est rien, je suis seulement passé, dans la pièce à côté. Je suis moi. Vous êtes vous. Ce que j'étais pour vous, je le suis toujours. Donnez-moi le nom que vous m'avez toujours donné, parlez-moi comme vous l'avez toujours fait. N'employez pas un ton différent, ne prenez pas un air solennel ou triste. Continuez à rire de ce qui nous faisait rire ensemble. Priez, souriez, pensez à moi, priez pour moi. Que mon nom soit prononcé à la maison comme il l'a toujours été, sans emphase d'aucune sorte, sans une trace d'ombre. La vie signifie tout ce qu'elle a toujours été. Le fil n'est pas coupé. Pourquoi serais-je hors de vos pensées, simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je ne suis pas loin, juste de l'autre côté du chemin.'' Canon Henry Scott-Holland 1847-1918 Transcription Bertrand BOUKAKA/Les Échos du Congo-BrazzavilleLivresReligion 24 septembre 2017 1 L’enfer selon Charles Péguy. L’enfer selon Charles Péguy. Dans « le mystère de la Charité de Jeanne d’Arc » (1910), Charles Péguy exprime l’horreur que lui inspire l’idée d’enfer et de damnation. J’ai eu envie de lire ce texte après avoir vu le film « Jeannette, l’enfance de Jeanne d
Étoile du seul Nord dans votre bâtiment. Ce qui partout ailleurs est de dispersion N’est ici que l’effet d’un beau rassemblement. Ce qui partout ailleurs est un démembrement N’est ici que cortège et que procession. Ce qui partout ailleurs demande un examen N’est ici que l’effet d’une pauvre jeunesse. Ce qui partout ailleurs demande un lendemain N’est ici que l’effet de soudaine faiblesse. Ce qui partout ailleurs demande un parchemin N’est ici que l’effet d’une pauvre tendresse. Ce qui partout ailleurs demande un tour de main N’est ici que l’effet d’une humble maladresse. Ce qui partout ailleurs est un détraquement N’est ici que justesse et que déclinaison. Ce qui partout ailleurs est un baraquement N’est ici qu’une épaisse et durable maison. Ce qui partout ailleurs est la guerre et la paix N’est ici que défaite et que reddition. Ce qui partout ailleurs est de sédition N’est ici qu’un beau peuple et dès épis épais. Ce qui partout ailleurs est une immense armée Avec ses trains de vivre et ses encombrements, Et ses trains de bagage et ses retardements, N’est ici que décence et bonne renommée. Ce qui partout ailleurs est un effondrement N’est ici qu’une lente et courbe inclinaison. Ce qui partout ailleurs est de comparaison Est ici sans pareil et sans redoublement. Ce qui partout ailleurs est un accablement N’est ici que l’effet de pauvre obéissance. Ce qui partout ailleurs est un grand parlement N’est ici que l’effet de la seule audience. Ce qui partout ailleurs est un encadrement N’est ici qu’un candide et calme reposoir. Ce qui partout ailleurs est un ajournement N’est ici que l’oubli du matin et du soir. Les matins sont partis vers les temps révolus, Et les soirs partiront vers le soir éternel, Et les jours entreront dans un jour solennel, Et les fils deviendront des hommes résolus. Les âges rentreront dans un âge absolu, Les fils retourneront vers le seuil paternel Et raviront de force et l’amour fraternel Et l’antique héritage et le bien dévolu. Voici le lieu du monde où tout devient enfant, Et surtout ce vieil homme avec sa barbe grise, Et ses cheveux mêlés au souffle de la brise, Et son regard modeste et jadis triomphant. Voici le lieu du monde où tout devient novice, Et cette vieille tête et ses lanternements, Et ces deux bras raidis dans les gouvernements, Le seul coin de la terre où tout devient complice, Et même ce grand sot qui faisait le malin, C’est votre serviteur, ô première servante, Et qui tournait en rond dans une orbe savante, Et qui portait de l’eau dans le bief du moulin. Ce qui partout ailleurs est un arrachement N’est ici que la fleur de la jeune saison. Ce qui partout ailleurs est un retranchement N’est ici qu’un soleil au ras de l’horizon. Ce qui partout ailleurs est un dur labourage N’est ici que récolte et dessaisissement. Ce qui partout ailleurs est le déclin d’un âge N’est ici qu’un candide et cher vieillissement. Ce qui partout ailleurs est une résistance N’est ici que de suite et d’accompagnement ; Ce qui partout ailleurs est un prosternement N’est ici qu’une douce et longue obéissance. Ce qui partout ailleurs est règle de contrainte N’est ici que déclenche et qu’abandonnement ; Ce qui partout ailleurs est une dure astreinte N’est ici que faiblesse et que soulèvement. Ce qui partout ailleurs est règle de conduite N’est ici que bonheur et que renforcement ; Ce qui partout ailleurs est épargne produite N’est ici qu’un honneur et qu’un grave serment. Ce qui partout ailleurs est une courbature N’est ici que la fleur de la jeune oraison ; Ce qui partout ailleurs est la lourde armature N’est ici que la laine et la blanche toison. Ce qui partout ailleurs serait un tour de force N’est ici que simplesse et que délassement ; Ce qui partout ailleurs est la rugueuse écorce N’est ici que la sève et les pleurs du sarment Ce qui partout ailleurs est une longue usure N’est ici que renfort et que recroissement ; Ce qui partout ailleurs est bouleversement N’est ici que le jour de la bonne aventure. Ce qui partout ailleurs se tient sur la réserve N’est ici qu’abondance et que dépassement ; Ce qui partout ailleurs se gagne et se conserve N’est ici que dépense et que désistement. Ce qui partout ailleurs se tient sur la défense N’est ici que liesse et démantèlement ; Et l’oubli de l’injure et l’oubli de l’offense N’est ici que paresse et que bannissement. Ce qui partout ailleurs est une liaison N’est ici qu’un fidèle et noble attachement ; Ce qui partout ailleurs est un encerclement N’est ici qu’un passant dedans votre maison. Ce qui partout ailleurs est une obédience N’est ici qu’une gerbe au temps de fauchaison ; Ce qui partout ailleurs se fait par surveillance N’est ici qu’un beau foin au temps de fenaison. Ce qui partout ailleurs est une forcerie N’est ici que la plante à même le jardin ; Ce qui partout ailleurs est une gagerie N’est ici que le seuil à même le gradin. Ce qui partout ailleurs est une rétorsion N’est ici que détente et que désarmement ; Ce qui partout ailleurs est une contraction N’est ici qu’un muet et calme engagement. Ce qui partout ailleurs est un bien périssable N’est ici qu’un tranquille et bref dégagement ; Ce qui partout ailleurs est un rengorgement N’est ici qu’une rose et des pas sur le sable. Ce qui partout ailleurs est un efforcement N’est ici que la fleur de la jeune raison ; Ce qui partout ailleurs est un redressement N’est ici que la pente et le pli du gazon. Ce qui partout ailleurs est une écorcherie N’est ici qu’un modeste et beau dévêtement ; Ce qui partout ailleurs est une affouillerie N’est ici qu’un durable et sûr dépouillement. Ce qui partout ailleurs est un raidissement N’est ici qu’une souple et candide fontaine ; Ce qui partout ailleurs est une illustre peine N’est ici qu’un profond et pur jaillissement. Ce qui partout ailleurs se querelle et se prend N’est ici qu’un beau fleuve aux confins de sa source, Ô reine et c’est ici que toute âme se rend Comme un jeune guerrier retombé dans sa course. Ce qui partout ailleurs est la route gravie, Ô reine qui régnez dans votre illustre cour, Étoile du matin, reine du dernier jour, Ce qui partout ailleurs est la table servie, Ce qui partout ailleurs est la route suivie N’est ici qu’un paisible et fort détachement, Et dans un calme temple et loin d’un plat tourment L’attente d’une mort plus vivante que vie. II. Prière de demande Nous ne demandons pas que le grain sous la meule Soit jamais replacé dans le cœur de l’épi, Nous ne demandons pas que l’âme errante et seule Soit jamais reposée en un jardin fleuri. Nous ne demandons pas que la grappe écrasée Soit jamais replacée au fronton de la treille, Et que le lourd frelon et que la jeune abeille Y reviennent jamais se gorger de rosée. Nous ne demandons pas que la rose vermeille Soit jamais replacée aux cerceaux du rosier, Et que le paneton et la lourde corbeille Retourne vers le fleuve et redevienne osier. Nous ne demandons pas que cette page écrite Soit jamais effacée au livre de mémoire, Et que le lourd soupçon et que la jeune histoire Vienne remémorer cette peine prescrite. Nous ne demandons pas que la tige ployée Soit jamais redressée au livre de nature, Et que le lourd bourgeon et la jeune nervure Perce jamais l’écorce et soit redéployée. Nous ne demandons pas que le rameau broyé Reverdisse jamais au livre de la grâce, Et que le lourd surgeon et que la jeune race Rejaillisse jamais de l’arbre foudroyé. Nous ne demandons pas que la branche effeuillée Se tourne jamais plus vers un jeune printemps, Et que la lourde sève et que le jeune temps Sauve une cime au moins dans la forêt noyée. Nous ne demandons pas que le pli de la nappe Soit effacé devant que revienne le maître, Et que votre servante et qu’un malheureux être Soient libérés jamais de cette lourde chape. Nous ne demandons pas que cette auguste table Soit jamais resservie, à moins que pour un Dieu, Mais nous n’espérons pas que le grand connétable Chauffe deux fois ses mains vers un si maigre feu. Nous ne demandons pas qu’une âme fourvoyée Soit jamais replacée au chemin du bonheur. Ô reine il nous suffit d’avoir gardé l’honneur Et nous ne voulons pas qu’une aide apitoyée Nous remette jamais au chemin de plaisance, Et nous ne voulons pas qu’une amour soudoyée Nous remette jamais au chemin d’allégeance, Ô seul gouvernement d’une âme guerroyée, Régente de la mer et de l’illustre port Nous ne demandons rien dans ces amendements Reine que de garder sous vos commandements Une fidélité plus forte que la mort. III. Prière de confidence Nous ne demandons pas que cette belle nappe Soit jamais repliée aux rayons de l’armoire, Nous ne demandons pas qu’un pli de la mémoire Soit jamais effacé de cette lourde chape. Maîtresse de la voie et du raccordement, Ô miroir de justice et de justesse d’âme, Vous seule vous savez, ô grande notre Dame, Ce que c’est que la halte et le recueillement. Maîtresse de la race et du recroisement, Ô temple de sagesse et de jurisprudence, Vous seule connaissez, ô sévère prudence, Ce que c’est que le juge et le balancement. Quand il fallut s’asseoir à la croix des deux routes Et choisir le regret d’avecque le remords, Quand il fallut s’asseoir au coin des doubles sorts Et fixer le regard sur la clef des deux voûtes, Vous seule vous savez, maîtresse du secret, Que l’un des deux chemins allait en contre-bas, Vous connaissez celui que choisirent nos pas, Comme on choisit un cèdre et le bois d’un coffret. Et non point par vertu car nous n’en avons guère, Et non point par devoir car nous ne l’aimons pas, Mais comme un charpentier s’arme de son compas, Par besoin de nous mettre au centre de misère, Et pour bien nous placer dans l’axe de détresse, Et par ce besoin sourd d’être plus malheureux, Et d’aller au plus dur et de souffrir plus creux, Et de prendre le mal dans sa pleine justesse. Par ce vieux tour de main, par cette même adresse, Qui ne servira plus à courir le bonheur, Puissions-nous, ô régente, au moins tenir l’honneur, Et lui garder lui seul notre pauvre tendresse. IV. Prière de report Nous avons gouverné de si vastes royaumes, Ô régente des rois et des gouvernements, Nous avons tant couché dans la paille et les chaumes, Régente des grands gueux et des soulèvements. Nous n’avons plus de goût pour les grands majordomes, Régente du pouvoir et des renversements, Nous n’avons plus de goût pour les chambardements, Régente des frontons, des palais et des dômes. Nous avons combattu de si ferventes guerres Par-devant le Seigneur et le Dieu des armées, Nous avons parcouru de si mouvantes terres, Nous nous sommes acquis si hautes renommées. Nous n’avons plus de goût pour le métier des armes, Reine des grandes paix et des désarmements, Nous n’avons plus de goût pour le métier des larmes, Reine des sept douleurs et des sept sacrements. Nous avons gouverné de si vastes provinces, Régente des préfets et des procurateurs, Nous avons lanterné sous tant d’augustes princes, Reine des tableaux peints et des deux donateurs. Nous n’avons plus de goût pour les départements, Ni pour la préfecture et pour la capitale, Nous n’avons plus de goût pour les embarquements, Nous ne respirons plus vers la terre natale, Nous avons encouru de si hautes fortunes, Ô clef du seul honneur qui ne périra point, Nous avons dépouillé de si basses rancunes, Reine du témoignage et du double témoin. Nous n’avons plus de goût pour les forfanteries, Maîtresse de sagesse et de silence et d’ombre, Nous n’avons plus de goût pour les argenteries, Ô clef du seul trésor et d’un bonheur sans nombre. Nous en avons tant vu, dame de pauvreté, Nous n’avons plus de goût pour de nouveaux regards, Nous en avons tant fait, temple de pureté, Nous n’avons plus de goût pour de nouveaux hasards. Nous avons tant péché, refuge du pécheur, Nous n’avons plus de goût pour les atermoiements, Nous avons tant cherché, miracle de candeur, Nous n’avons plus de goût pour les enseignements. Nous avons tant appris dans les maisons d’école, Nous ne savons plus rien que vos commandements. Nous avons tant failli par l’acte et la parole, Nous ne savons plus rien que nos amendements. Nous sommes ces soldats qui grognaient par le monde, Mais qui marchaient toujours et n’ont jamais plié, Nous sommes cette Église et ce faisceau lié, Nous sommes cette race internelle et profonde. Nous ne demandons plus de ces biens périssables, Nous ne demandons plus vos grâces de bonheur, Nous ne demandons plus que vos grâces d’honneur, Nous ne bâtirons plus nos maisons sur ces sables. Nous ne savons plus rien de ce qu’on nous a lu, Nous ne savons plus rien de ce qu’on nous a dit. Nous ne connaissons plus qu’un éternel édit, Nous ne savons plus rien que votre ordre absolu. Nous en avons trop pris, nous sommes résolus. Nous ne voulons plus rien que par obéissance, Et rester sous les coups d’une auguste puissance, Miroir des temps futurs et des temps révolus. S’il est permis pourtant que celui qui n’a rien Puisse un jour disposer, et léguer quelque chose, S’il n’est pas défendu, mystérieuse rose, Que celui qui n’a pas reporte un jour son bien ; S’il est permis au gueux de faire un testament, Et de léguer l’asile et la paille et le chaume, S’il est permis au roi de léguer le royaume, Et si le grand dauphin prête un nouveau serment ; S’il est admis pourtant que celui qui doit tout Se fasse ouvrir un compte et porter un crédit, Si le virement tourne et n’est pas interdit, Nous ne demandons rien, nous irons jusqu’au bout. Si donc il est admis qu’un humble débiteur Puisse élever la voix pour ce qui n’est pas dû, S’il peut toucher un prix quand il n’a pas vendu, Et faire balancer par solde créditeur ; Nous qui n’avons connu que vos grâces de guerre Et vos grâces de deuil et vos grâces de peine, Et vos grâces de joie, et cette lourde plaine, Et le cheminement des grâces de misère ; Et la procession des grâces de détresse, Et les champs labourés et les sentiers battus, Et les cœurs lacérés et les reins courbatus, Nous ne demandons rien, vigilante maîtresse. Nous qui n’avons connu que votre adversité, Mais qu’elle soit bénie, ô temple de sagesse, Ô veuillez reporter, merveille de largesse, Vos grâces de bonheur et de prospérité. Veuillez les reposer sur quatre jeunes têtes, Vos grâces de douceur et de consentement, Et tresser pour ces fronts, reine du pur froment, Quelques épis cueillis dans la moisson des fêtes. V. Prière de déférence Tant d’amis détournés de ce cœur solitaire N’ont point lassé l’amour ni la fidélité ; Tant de dérobement et de mobilité N’ont point découragé ce cœur involontaire. Tant de coups de fortune et de coups de misère N’ont point sonné le jour de la fragilité ; Tant de malendurance et de brutalité N’ont point laïcisé ce cœur sacramentaire. Tant de fausse créance et tant de faux mystère N’ont point lassé la foi ni la docilité ; Tant de renoncements n’ont point débilité Le sang du rouge cœur et le sang de l’artère. Pourtant s’il faut ce jour dresser un inventaire Que la mort devait seule et conclure et sceller ; S’il faut redécouvrir ce qu’il fallait celer ; Et s’il faut devenir son propre secrétaire ; S’il faut s’instituer et son propre notaire Et son propre greffier et son double témoin, Et mettre le paraphe après le dernier point, Et frapper sur le sceau le chiffre signataire ; S’il faut fermer la clause et lier le contrat, Et découper l’article avec le paragraphe, Et creuser dans la pierre et graver l’épigraphe, S’il faut s’instituer recteur et magistrat ; S’il faut articuler ce nouveau répertoire Sans nulle exception et sans atermoiement, Et sans transcription et sans transbordement, Et sans transgression et sans échappatoire ; S’il faut sur ces débris dresser un nouveau code, Et sur ces châtiments dresser un nouveau roi, Et planter l’appareil d’une dernière loi, Sans nul événement et sans nul épisode Nul ne passera plus le seuil de ce désert Qui ne vous soit féal et ne vous soit fidèle, Et nul ne passera dans cette citadelle Qui n’ait donné le mot qu’on donne à mot couvert. Nul ne visitera ce temple de mémoire, Ce temple de mémoire et ce temple d’oubli, Et cette gratitude et ce destin rempli, Et ces regrets pliés aux rayons de l’armoire. Nul ne visitera ce cœur enseveli Qui ne se soit rangé dessous votre conduite Et ne se soit perdu dans votre auguste suite Comme une voix se perd dans un chœur accompli. Et nulle n’entrera dans cette solitude Qui ne vous soit sujette et ne vous soit servante Et ne vous soit seconde et ne vous soit suivante, Et nulle n’entrera dans cette servitude, Et nul ne franchira le seuil de ce palais, Et la porte centrale et le parvis de marbre, Et la vasque et la source et le pourpris et l’arbre, Qui ne soit votre esclave et l’un de vos valets. Et nul ne passera dans cette plénitude Qui ne soit votre fils et votre serviteur, Comme il est votre serf et votre débiteur, Et nul ne passera dans cette quiétude, Pour l’amour le plus pur et le plus salutaire Et le retranchement et le même regret, Et nul ne passera le seuil de ce secret Pour l’amour le plus dur et le plus statutaire, Et l’amour le plus mûr et le plus plein de peine, Et le plus plein de deuil et le plus plein de larmes, Et le plus plein de guerre et le plus plein d’alarmes, Et le plus plein de mort au seuil de cette plaine. Et pour le plus gonflé du plus ancien sanglot, Et pour le plus vidé de la vieille amertume, Et pour le plus lavé de la plus basse écume, Et pour le plus gorgé du plus antique flot. Et pour le plus pareil à cette lourde grappe, Et pour le plus astreint aux treilles de ce mur, Et pour le plus contraint comme pour le plus sûr, Et pour le plus pareil à ce pli de la nappe. Et nul ne passera dans cette certitude, Pour l’amer souvenir et le regret plus doux, Et le morne avenir et l’éternel remous Des vagues de silence et de sollicitude. Et nul ne franchira le seuil de cette tombe, Pour un culte éternel encor que périssable, Et le profond remous de ces vagues de sable Où le pied du silence à chaque pas retombe, Qui ne soit incliné vers vos sacrés genoux Et ne soit sous vos pieds comme un chemin de feuille, Et ne consente et laisse et ne prétende et veuille, De l’épaisseur d’un monde être aimé moins que vous. 1913LaMort N Est Rien Poeme De Charles Peguy Chezmamielucette Ce que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes toujours. Je suis moi et vous êtes vous ce que nous étions les uns pour les autres nous le sommes toujours. Quant à la version «chocolat», sa création n'est pas si récente puisqu'elle remonte aux années 1950. Être ou ne pas être, soi et
Ce qui m'étonne, dit Dieu, c'est l'espérance. Et je n'en reviens pas. Cette petite espérance qui n'a l'air de rien du tout. Cette petite fille Car mes trois vertus, dit Dieu. Les trois vertus mes créatures. Mes filles mes enfants. Sont elles-mêmes comme mes autres créatures. De la race des hommes. La Foi est une Épouse fidèle. La Charité est une Mère. Une mère ardente, pleine de cœur. Ou une sœur aînée qui est comme une mère. L'Espérance est une petite fille de rien du tout. Qui est venue au monde le jour de Noël de l'année dernière. Qui joue encore avec le bonhomme Janvier. Avec ses petits sapins en bois d'Allemagne couverts de givre peint. Et avec son bœuf et son âne en bois d'Allemagne. Peints. Et avec sa crèche pleine de paille que les bêtes ne mangent pas. Puisqu'elles sont en bois. C'est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus.[...]Mais l'espérance ne va pas de soi. L'espérance neva pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut être bien heureux, il faut avoir obtenu,reçu une grande grâce.[...] La petite espérance s'avance entre ses deux gran- des sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle. Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route inter- minable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance S'avance. Entre ses deux grandes sœurs. Celle qui est mariée. Et celle qui est mère. Et l'on n'a d'attention, le peuple chrétien n'a d'attention que pour les deux grandes sœurs. La première et la dernière. Qui vont au plus pressé. Au temps présent. À l'instant momentané qui passe. Le peuple chrétien ne voit que les deux grandes sœurs, n'a de regard que pour les deux grandes sœurs. Celle qui est à droite et celle qui est à gauche. Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu. La petite, celle qui va encore à l'école. Et qui marche. Perdue entre les jupes de ses sœurs. Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main. Au milieu. Entre les deux. Pour lui faire faire ce chemin raboteux du salut. Les aveugles qui ne voient pas au contraire. Que c'est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs. Et que sans elle elles ne seraient rien. Que deux femmes déjà âgées. Deux femmes d'un certain par la vie. C'est elle, cette petite, qui entraîne tout. Car la Foi ne voit que ce qui est. Et elle elle voit ce qui sera. La Charité n'aime que ce qui elle elle aime ce qui sera. La Foi voit ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité. L'Espérance voit ce qui sera. Dans le temps et dans l' ainsi dire le futur de l'éternité même. La Charité aime ce qui est. Dans le Temps et dans l'Éternité. Dieu et le prochain. Comme la Foi voit. Dieu et la création. Mais l'Espérance aime ce qui le temps et dans l' ainsi dire dans le futur de l'éternité. L'Espérance voit ce qui n'est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n'est pas encore et qui seraDans le futur du temps et de l'éternité. Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé. Sur la route montante. Traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs, Qui la tiennent pas la main, La petite espérance. S'avance. Et au milieu entre ses deux grandes sœurs elle a l'air de se laisser traîner. Comme une enfant qui n'aurait pas la force de marcher. Et qu'on traînerait sur cette route malgré elle. Et en réalité c'est elle qui fait marcher les deux autres. Et qui les traîne. Et qui fait marcher tout le monde. Et qui le on ne travaille jamais que pour les les deux grandes ne marchent que pour la Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912
plupartdes gens pensent que ce texte a été écrit par Charles Péguy, ce qui n’est en fait pas le cas ». Charles Péguy n’aurait donc pas écrit « La mort n’est rien ; je suis seulement passé dans la pièce à côté. ». Extrait : « En tout état de cause, Charles Péguy n’estTexte de Charles PEGUY La mort n’est suis seulement passé de l’autre suis moi, vous êtes que nous étions les uns pour les autres, nous le sommes le nom que vous m’avez toujours donné, parlez-moi comme vous l’avez toujours pas un ton solennel ou à rire de ce qui nous faisait rire souriez, pensez à moi, priez pour mon nom soit prononcé comme il l’a toujours été, sans emphase d’aucune sorte, sans une trace d’ vie signifie ce qu’elle a toujours signifié, elle est ce qu’elle a toujours fil n’est pas serais-je hors de votre pensée simplement parce que je suis hors de votre vue ? Je vous attends, je ne suis pas loin, juste de l’autre côté du chemin. Vous voyez, tout est bien. » Charles Péguy
Etbien souvent la vie passionnée d'un homme empêche de les voir de son vivant. C'est quand le corps meurt que l'esprit naît véritablement à lui-même et brille de son éclat singulier. Ce que nous voulons célébrer cette année, à l'occasion du centenaire de la mort de Péguy, n'est rien moins que sa mort, c'est sa vie même. Quand il s
Aborder, parcourir, revenir vers l’Odyssée avec pour éclaireurs Philippe Jaccottet, Jacqueline de Romilly et Cornélius Castoriadis, c’est vraiment ajouter le plaisir et l’intelligence , c’est ainsi que Pierre Rideau ouvre sa présentation de l’article qu’il nous propose. La beauté des vers d’ Homère, la trace de son œuvre et ce qu’elle nous aide à comprendre de notre monde ne connaissent aucune usure. Ainsi que l’a dit si justement Charles Péguy, Homère est nouveau ce matin… ». Tout aussi intactes, l’émotion palpable de Jacqueline de Romilly, la passion de Jaccottet et les saisissantes mises en perspective de Castoriadis. Une œuvre belle donc, mais aussi riche de ses enseignements contenant les germes d’une morale individuelle qui, c’est sa singularité, se convertit aussitôt en une aptitude à être-ensemble et permet d’agir pour le bien commun. Les Grecs chérissaient l’harmonie et leur idéal était, je crois, de montrer que l’harmonie de l’individu et celle du collectif se nourrissent l’une de l’autre. » Pierre RIDEAU ARTICLE DE P. RIDEAU Homère est nouveau, ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. Assurément, l’Odyssée n’est ni un voyage initiatique, ni une quête, ni un roman d’aventure ou d’exploration, ou alors un peu de tout cela à la fois ? Plus ou moins… Plus simplement encore, ce serait juste l’histoire d’un type qui veut rentrer chez lui ? Oui mais son compagnon d’armes, Nestor est rentré de Troie en quatre jours et Ulysse mettra dix années. Dix années d’errance à la recherche d’un passage, comme l’indique Philippe Jaccottet. Homère est nouveau ce matin, et rien n’est peut-être aussi vieux que le journal d’aujourd’hui. Voilà ce qu’écrit Charles Péguy. La richesse des vers est inépuisable, c’est vrai et les traductions multiples la laissent intacte. Les scènes d’adieu d’Hector à Andromaque Illiade, du dialogue d’Ulysse et sa mère au pays des Cimmériens chant XI, la déploration d’Achille en ce même lieu, la consolation de Priam à Hélène…et tant d’autres sont une forme de beauté qui porte en elle-même sa propre justification. Au-delà de la beauté des vers, la profonde humanité des personnages, décrits avec leurs doutes, leurs angoisses, leurs espérances et leurs tragédies distingue fondamentalement l’Odyssée d’autres grands textes fondateurs. Des héros, oui, mais un héroïsme de carapace, une carapace qui vole en éclats devant les pleurs d’un enfant, le chagrin d’une mère, le désespoir d’un homme. Leur humanité est dans la recherche de l’harmonie brisée par la guerre ou le destin, l’harmonie qui unit une généalogie, une terre et un récit commun. Celle aussi qui, comme le dit, saisi de vertige, le roi des Phéaciens à Ulysse,unit la beauté des paroles et la noblesse des pensées. Je crois qu’on peut réunir les endroits de l’errance d’Ulysse sous un aspect essentiel. Ce sont des endroits fermés, sans passé ni avenir. Bloqués. Tels ils sont quand Ulysse y aborde, tels ils étaient il y a mille ans, tels ils seront dans mille ans. Ils sont d’une vacuité monstrueuse, Eole marie ses fils avec ses filles, les Lotophages sont dans les vapeurs de l’ivresse permanente, Circé s’ennuie… Le repli ne produit que vide ou monstruosité, ainsi Scylla, Charybde ou les Sirènes. Alors, pour échapper à ce monde là, il faut apprendre à se gouverner soi-même contre l’hubris et l’indifférence, veiller les uns sur les autres et gouverner la cité sans attendre aucune transcendance divine. Les Dieux d’Homère ne sont pas fiables. Ni les mythes, ni les oracles ajoute Cornélius Castoriadis qui cite Hector le seul bon augure, c’est de défendre sa patrie ». Il faut apprendre à vivre ensemble, par le débat, l’ouverture, la confrontation. L’hospitalité est la valeur supérieure qui place la parole et l’échange au-dessus de tout. Se gouverner, c’est partager un passé et un devenir. Et les nourrir. C’est être dans le présent, affronter les évènements quand ils arrivent, surmonter ses peurs et accepter sa condition d’homme, vulnérable et passsager. Et voilà bien, ce qui, selon Jacqueline de Romilly, fait de l’Odyssée et de l’Illiade, le récit commun de notre civilisation car l’humanité de ses personnages et la place du débat inaugurent le désir d’universalité propre à notre culture ainsi que le désir d’ouverture inscrit en tête de nos valeurs. Jacqueline de Romilly. Pourquoi la Grèce? Le Livre de poche. Editions De Fallois. 1992 Philippe Jaccottet. Homère. L’ Paris la Découverte. 1982 Cornélius Castoriadis. Ce qui fait la Grèce. La couleur des Idées. Editions du Seuil. Mars 2004